Organismes de gouvernance et historique
La Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC) est l’entité régionale qui couvre six pays (Cameroun, Congo, Gabon, Guinée équatoriale, Centrafrique et Tchad). Ses régulateurs principaux sont la Commission Bancaire de l’Afrique Centrale (COBAC) et la Commission de Surveillance du Marché Financier de l’Afrique Centrale (COSUMAF).
- La COBAC
- Mandat : La COBAC est le régulateur du secteur bancaire et financier. En mai 2022, elle a émis la Décision D-2022/071 pour prévenir les risques liés aux crypto-actifs.
- Position : La COBAC adopte une approche de prudence et d’interdiction. Elle a expressément interdit aux établissements assujettis (banques, établissements de microfinance, etc.) de détenir, d’utiliser, d’échanger ou de convertir des crypto-actifs. Cette interdiction est motivée par les risques de marché, de liquidité, de blanchiment de capitaux, de financement du terrorisme et d’évasion fiscale.
- Définition du crypto-actif : La COBAC définit les crypto-actifs comme des actifs numériques ou cryptés utilisant la technologie de la blockchain, qui est un registre distribué et partagé pour l’échange et la conservation de données.
- La COSUMAF
- Mandat : La COSUMAF est l’autorité de régulation et de contrôle du marché financier régional. Son rôle a été étendu pour inclure la supervision des PSAN (Prestataires de Services sur Actifs Numériques).
- Position : Contrairement à la COBAC, la COSUMAF prépare un cadre réglementaire pour intégrer les actifs numériques. Le Règlement Général de la COSUMAF, adopté en mai 2023, définit et encadre les activités des PSAN, leur permettant de s’établir sur le marché financier de la CEMAC.
Définitions des termes clés
- Prestataire de services sur actifs numériques (PSAN) : Un PSAN est un professionnel dont l’activité consiste à fournir des services tels que la conservation d’actifs numériques, l’achat-vente d’actifs numériques, l’exploitation de plateformes de négociation d’actifs numériques, la réception et transmission d’ordres, la gestion de portefeuille, le conseil et le placement.
- Jeton (jeton numérique) : Tout bien incorporel représentant, sous forme numérique, un ou plusieurs droits pouvant être émis, inscrits, conservés ou transférés à l’aide d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé. Ce dispositif permet d’identifier, directement ou indirectement, le propriétaire du bien.
- Dispositif d’enregistrement électronique partagé (DEEP) : Un système conçu pour garantir l’enregistrement et l’intégrité des inscriptions et pour identifier les propriétaires de titres, la nature et le nombre de titres détenus.
Éléments clés de la réglementation
- Cadre réglementaire en construction : La CEMAC ne dispose pas encore d’une réglementation unique et globale pour les crypto-actifs. Le paysage réglementaire est divisé entre les positions de la COBAC et de la COSUMAF.
- Approche de la COBAC : Interdiction totale pour les entités sous sa juridiction (banques, microfinances) de s’engager avec les crypto-actifs. La tenue de la comptabilité doit se faire en Franc CFA (FCFA) et non en crypto-monnaies. Les établissements assujettis doivent surveiller les opérations liées aux cryptomonnaies et signaler les transactions suspectes au Secrétariat Général de la COBAC et à la Banque Centrale (BEAC).
- Approche de la COSUMAF : La COSUMAF adopte une approche “risk-based” pour superviser les acteurs et les opérations du marché, y compris celles liées aux actifs virtuels. Elle veille à la protection des investisseurs, à l’information des acteurs et au bon fonctionnement du marché financier régional.
- Lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (LCB/FT) : La COSUMAF met en œuvre des mesures de prévention, de détection et de répression du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme sur le marché financier régional. L’approche de surveillance est basée sur les risques, y compris pour les actifs virtuels.
Exigences pour les PSAV (PSAN)
Pour opérer dans la zone CEMAC, les PSAN doivent :
- Obtenir un agrément : Les PSAN doivent obtenir un agrément préalable de la COSUMAF pour exercer leurs activités. Ce processus inclut la soumission d’un dossier détaillé sur leur organisation, leur programme d’activité, leurs dirigeants et leur situation financière.
- Capital social et fonds propres : Ils doivent disposer d’un capital social minimum entièrement libéré, suffisant au regard des risques liés à leurs services. Les PSAN qui gèrent des OPC, par exemple, doivent avoir un capital social d’au moins 300 millions de FCFA.
- Contrôle interne et LCB/FT : Les PSAN doivent mettre en place un dispositif adéquat de sécurité et de contrôle interne, ainsi qu’un dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Les procédures de LCB/FT doivent être écrites et adaptées aux risques, avec une évaluation au moins annuelle.
- Expertise et honorabilité des dirigeants : Les dirigeants des PSAN doivent justifier de l’honorabilité, de la compétence et de l’expérience nécessaires à l’exercice de leurs fonctions.
Impact pour les parties prenantes
- Consommateurs/Investisseurs : Les crypto-actifs sont considérés comme des “jetons numériques” et non comme de la monnaie légale. L’interdiction de la COBAC pour les banques et les institutions financières traditionnelles de s’impliquer dans les crypto-actifs limite considérablement l’accès aux services de crypto-monnaies. Les investisseurs n’ont accès aux crypto-actifs que via des PSAN réglementés par la COSUMAF, qui sont tenus de respecter de strictes exigences de protection des clients.
- Banques et acteurs financiers traditionnels : Ces entités sont explicitement interdites de toute activité impliquant des crypto-monnaies par la COBAC. Elles ne peuvent ni détenir, ni utiliser, ni échanger, ni convertir ces actifs.
- PSAV (PSAN) : Le cadre réglementaire de la COSUMAF offre une voie légale pour opérer, mais impose des obligations strictes et des coûts de mise en conformité élevés. Les PSAN agréés ont l’opportunité de s’intégrer dans le marché financier régional de la CEMAC et de gagner la confiance des investisseurs
Pour en savoir plus, consultez les articles suivants:
- Règlement n° 01/22/CEMAC/UMAC/CM/COSUMAF du 21 juillet 2022 portant Organisation et Fonctionnement du Marché Financier de l’Afrique Centrale : https://cosumaf.org/wp-content/uploads/2022/09/Reglment-no-01-Portant-Organisation-et-Fonctionnement-du-Marche-Financier-de-lAfrique-Centrale.pdf
- Règlement Général de la COSUMAF du 23 mai 2023 : https://cosumaf.org/wp-content/uploads/2023/06/NOUVEAU-RG-COSUMAF-23-Mai-2023.pdf
- Décision COBAC D-2022/071 relative à la détention, l’utilisation, l’échange et la conversion des cryptomonnaies par les établissements assujettis : https://www.beac.int/wp-content/uploads/2022/05/COBAC_Communiqu%C3%A9-de-presse_SE-06.05.2022.pdf